Si comme moi vous avez une arme fabriquée par Pietta, qui ne soit ni « target » ni autre montage non historique, vous héritez de la conception simple et rustique du 1858 « d’antan » : une hausse fixe (fraisée dans la carcasse – on peut difficilement faire plus fixe…) et un guidon non dérivable soudé en bout de canon. Pour autant, est-ce à dire que ces organes de visée ne sont pas réglables ? Bien évidement que non : nos ancêtres réglaient bien leurs armes, et nous devons revenir à cette petite habitude bien historique, munie d’une lime et d’un peu de jugeote.

Du coup, si votre arme tire trop bas (comme la plupart des modèles sortant d’usine….) et un poil trop à gauche (par exemple), il existe bien évidement une solution plus civilisée et confortable qu’apprendre à contre-viser systématiquement : réglez vos organes de visée !

DISCLAIMER: les modifications de vos organes de visée demandent du doigté, et seront probablement bien mieux assurées par un armurier professionnel. Si vous désiriez le faire vous même, bien que gratifiant, attendez vous à transpirer un peu et tâtonner. Si le bricolage n’est pas votre fort et que vous préférez ne pas prendre de risque, personne ne vous en voudra d’aller consulter un armurier et de faire marcher son commerce plutôt que votre lime sur le pas de tir! 

La théorie

En théorie, tout est simple (et j y ajoute une couche de simplification pour faire un article court – je livre certains liens en fin d’article pour compléter pour les plus curieux) :

  • vous devez prendre un point que vous visez et constater le point d’impact obtenu. Le faire en tirant plusieurs fois pour s’assurer d’avoir un bon groupement, si possible sur appui.
  • si, au bout de plusieurs tirs, les deux points coincident, c’est que votre arme est parfaitement réglée « point visé/point touché ». Parfait pour mettre en cible en Cowboy Action Shooting (ou simplement en temps de guerre), un poil moins pratique pour faire de la précision en concours (où les tireurs préfèrent généralement viser dans le 6 ou 8 à 6 heures, plutôt que dans le 10 : il est plus pratique de viser sur du blanc que sur du noir…)
  • si, au bout de plusieurs tirs, vous observez que vos impacts sont systématiquement décalés de la même manière (haut/bas et gauche/droite) par rapport au point visé, c’est que votre arme est précise mais mal réglée : il est temps d’en régler les organes de visée, objet de cet article.

Maintenant, selon le décalage observé entre point visé et impact, que faut-il régler en théorie ? Comme beaucoup de chose en théorie, c’est plutôt simple :

  • si les impacts sont trop bas, il faut soit monter la hausse soit baisser la hauteur du guidon
  • si les impacts sont trop hauts, il faut soit descendre la hausse, soit augmenter la hauteur du guidon
  • si les impacts sont trop à gauche, il faut bouger sa hausse vers la droite, soit faire dériver le guidon vers la gauche
  • si les impacts sont trop à droite, il faut bouger sa hausse vers la gauche, soit faire dériver le guidon vers la droite

Vous voyez, cela a l’air simple dit comme cela – c’est comme cela en Théorie…

Ensuite se pose la question du « de combien faut-il corriger » ses organes de visée. Pour cela, il existe des tables de mesures, se basant sur Théorème de Thalès, pour déterminer de combien (de millimètres) il est nécessaire de corriger les organes de visée en regard des écarts moyens observés (en centimètres) entre point visé et impact (point touché).

Mais même si ces tables peuvent servir pour se donner une idée du travail à accomplir, rien ne vaut la pratique et un réglage petit à petit (on lime un coup, on tire quelques couts pour observer la correction, on continue à limer un peu, on tire pour observer, … jusqu`à obtenir le résultat qu’on désire) : c’est d’ailleurs comme cela que procédaient nos anciens – probablement moins férus de mathématiques que nos contemporains mais probablement dotés d’un plus grand sens pratique (pour survivre dans un monde un peu plus basique et moins confortable…).

Je vous suggère donc de faire comme nos anciens : régler un poil, tirer un poil pour observer, continuer à corriger en s’assurant du résultat obtenu au fil de l’eau. Non seulement cela vous aidera à mieux cerner le fonctionnement de votre arme, mais c’est surtout que cela vous évitera de trop limer certains organes par excès de confiance dans les mathématiques…

La pratique

Autant le dire tout de suite, ce ne sera pas une partie de plaisir et il va falloir s’armer de patience et de doigté : corriger une visée ne s’improvise pas, et il vous faudra outillage et passage régulier au stand de tir (le mieux est d’avoir tout le nécessaire sur le pas de tir et d’y prévoir quelques longues heures…).

Régler la hausse ? Surtout pas !

La hausse d’un Remington 1858 est fraisée dans la carcasse. Autant le dire tout de suite : elle n’est pas faite pour être réglable et est parfaitement alignée sur le chassis de l’arme.

Certains pourraient vouloir commencer à en limer sa fenêtre : c’est bien évidement possible, mais irrémédiable et je le déconseille fortement. En effet, si un réglage doit être opéré, autant que ce soit du côté du guidon – lequel est au passage changeable si on se trompe (ou si on veut plus tard modifier le réglage).

Donc, travail sur la hausse : oubliez, concentrez vous plutôt sur ce qui se trouve sur le canon, en commençant (et généralement cela suffit) par le guidon.

Régler le guidon ? Absolument !

Même si le guidon est fixe, il est tout à fait possible de le régler, dans certaines mesures, grâce à un jeu de limes, voire en soudant à froid pour rajouter de la matière (et en fignolant à coup de limes). Il sera toujours possible ensuite d’utiliser du produit de bronzage à froid pour redonner une couche de protection / beauté à l’acier limé.

guidon_pietta_1858

Le réglage en hauteur est probablement le plus simple à régler : soit vous allez devoir limer le guidon pour en réduire sa hauteur si votre arme tire trop bas (l’opération la plus simple), soit vous allez devoir rajouter de la hauteur au guidon si votre arme tire trop haut (là, il faudra jouer de la soudure à froid pour rajouter de la matière, puis limer pour restaurer une forme acceptable à votre guidon).

Dans mon cas, mon arme tirait bien trop bas – de l’ordre d’une bonne moitié de C50 – et il m’a fallu limer le guidon de quelques 3 bons  millimètres pour arriver à tirer au point visé. Allez y doucement : limez un peu, puis tirer quelques coups sur appui pour observer ce que cela a corrigé, et recommencez jusqu’à avoir le résultat que vous cherchiez. Personnellement, cela m’a pris bien 4 bonnes heures passées avec limes et papier de verre sur deux séances de tir…

Le réglage en latéral/horizontal est plus complexe : le guidon d’origine est déjà assez fin et lui retirer de la matière d’un côté s’avère souvent assez délicat. Avant de vous lancer dans cette opération, commencez par vérifier si la correction ne peut pas venir du serrage de votre canon. En effet, sur certaines armes, le vissage du canon a été fait rapidement et n’est pas parfait (« a Monday weapon » comme disent nos cousins américains) : en le serrant ou desserrant selon la position à obtenir (le canon pris dans un étaux, protégé par un tissu pour ne pas le marquer, et cale de bois insérée dans le chassis, puis petit coup de marteau sec sur la cale de bois pour faire viser ou dévisser un peu le canon – selon votre besoin). Pour s’en rendre compte, voici un exemple de canon non parfaitement serré (ce fut le cas sur mon arme également) :

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Allez y avec beaucoup doigté et assurez vous que le canon est complètement pris dans l’étau, et que le levier que fait la cale en bois vous donne assez de force quand vous l’exercerez (une cale longue est préférable). Ne pas y aller comme un bourin. Ce n’est pas une opération anodine, et vos camarades de stand habitués à bichonner leurs semi-automatiques vous regarderons de travers probablement – bienvenue dans l’univers des poudreux 🙂

Si la correction ne peut venir du serrage canon, alors il vous faudra retirer de la matière sur le guidon : limer à gauche si votre arme tire trop à droite, ou limer à droite si votre arme tire trop à gauche. Là aussi allez y très doucement et contrôlez systématiquement en procédant à des tirs de vérifications. Mieux vaut y aller doucement que de fragiliser inutilement un guidon.

Vous avez réussi ? Bravo, rares sont les personnes qui osent bricoler leur pétoire et ne préfèrent pas, soit la revendre (si, si, j’en ai croisé…) soit payer les services d’un armurier (il y a rien de mal à cela, bien au contraire : cela fait marcher le commerce). Votre arme aura gagné en justesse mais surtout en histoire : quand vous la léguerez à votre descendance, cette dernière pourra se targuer d’avoir une arme réglée à l’ancienne par leur aïeul – pour une réplique, ce n’est pas courant !

Quelques lectures utiles

On ne s’improvise pas armurier à la petite semaine sans bons outils, et surtout quelques bonnes lectures. Pour ceux qui voudraient approfondir le sujet (je vous le recommande chaudement avant de vous lancer dans les réglages), voici quelques articles et discussion utiles :